Toponymie érotico-coquine

Toponymie érotico-coquine

Lieux-dits érotiques

Les lieux-dits et autres toponymes ont parfois des appellations pour le moins équivoques, quand elles ne sont pas franchement salaces ! Petite introduction à la toponymie érotique.

Connaissez-vous la rue de la Branlette ? Probablement pas. À moins que vous n’habitiez Saint-Jean-Port-Joli, au Canada. Pas de soucis, les toponymes coquins, voire carrément égrillards, ne manquent pas sur le Vieux Continent, tout particulièrement chez nos voisins français. Tenez, il existe par exemple une ruelle Casse-cul à Guillestres, dans les Hautes-Alpes, une place et une rue Joseph Pétasse à Beaune ou encore une rue des Pucelles à Strasbourg. Bien qu’on se soit plutôt attendu à la trouver à Domrémy. Des villages et lieux-dits aux noms évocateurs, il y a en a aussi toute une flopée outre-Quiévrain. Cela va de Messein en Meurthe-et-Moselle, près de Charme, en passant par Cuise-La-Motte dans la Somme, Triqueville dans l’Eure, Bésingrand dans les Pyrénées-Atlantiques ou encore Serre la chatte dans les Hautes-Alpes. Sans oublier le village mondialement célèbre de Condom, lequel a en plus la particularité d’être arrosé par la Baïse. La totale à un tréma près ! Et que dire de Loches popularisée par les Grosses Têtes, qui ont longtemps persisté à y faire demeurer une certaine Mme Bellepaire.

Condom
Le port de Condom, sur la Baïse. Tout un programme ! Crédit Asabengurtza.

De Bande à Couillet

Notre petit pays peut évidemment aussi s’enorgueillir de quelques toponymes à connotation plus ou moins sexuelle, dont le fameux village de Bande, où il fait bon habiter, paraît-il. Mais une petite balade graveleuse passera bien sûr aussi par Loncin, Sensenruth, Gerpinnes et Couillet – qui curieusement n’ont jamais envisagé de se jumeler – ou encore par Membre, minuscule village lové au creux de la Semois, mais qui ne demande sûrement qu’à s’épanouir. N’hésitez pas aussi à faire un petit détour par le hameau d’Acul, près de Sainte-Ode, si petit qu’on y fait que passer, ce qui est bien dommage avec un nom si engageant. À Ittre, une rue Rouge Bouton donne également envie d’être arpentée de long en large, de même que l’étang de la Longue queue à La Hulpe. Alors qu’à Thorembais-Saint-Trond, un lieu-dit « Cul d’enfer » promet semble-t-il bien du plaisir.

Sex des Suisses

Liuex-dits rigolos
Vue sur le Sex des Branlettes, dans les Alpes Bernoises ! Wala.

Évidemment, tous ces toponymes ne cachent pas nécessairement des allusions salaces. Il faut plutôt y voir une heureuse coïncidence ou un effet de l’esprit mal tourné qui habite apparemment pas mal de nos contemporains. Ainsi, s’il y a des coins en Suisse où le mot « sex » ou « scex », qu’on prononce d’ailleurs , est omniprésent, ce n’est pas parce que les Helvètes sont plus obsédés que les autres par la bagatelle, mais tout simplement parce que ce vocable vient du vieux français saxe qui signifie rocher. Si vos pas vous mènent, par hasard, dans le Valais, ne vous étonnez donc pas de voir annoncer la Porte du Scex, Sex Branlant, Sex d’Amont, Gros Sex ou encore Sex des Branlettes. Il existe même un petit hameau dans le Valais poétiquement baptisé Pro du Sex ! La villégiature doit y être agréable… Il arrive cependant que l’étymologie de certains toponymes soit réellement érotico-coquine. Aux États-Unis, il existe par exemple une bonne centaine de toponymes officiels en tits (nichons) ou en nipple (mamelon), dont soixante-six rien que dans le Centre-Ouest, notamment le Nevada ! Plus près de chez nous, mais dans le même registre, le lieu-dit Belle-Tête à Ècaussinnes (Hainaut) est la chaste traduction de l’expression wallonne belles tettes, qui signifie littéralement beaux nénés. Les belles tettes en question étaient celles de la patronne d’un estaminet établi au coin de cette rue et de la rue Bel-Air, à la fin du XVIIIe siècle. Estaminet dont l’enseigne égrillarde ne manquait d’ailleurs pas de vanter les charmes de ladite patronne ! Par la suite, un pudibond fonctionnaire du cadastre se serait mêlé de transformer ce lieu-dit en Belle-Tête, au singulier qui plus est. Il semble que l’on ait perdu au change.

Rue « Tâte-chair »

Anciennes rues de prostitution
La Grope Lane à Shrewsbury, anciennement Gropecunt Lane. Crédit, Parrot of Doom.

Le sort des toponymes à connotation sexuelle n’est effectivement pas toujours enviable. La plupart se sont d’ailleurs vus pudiquement rebaptisés au cours des siècles. C’est ainsi qu’à Paris, la rue du Poil au con, assidûment fréquentée par les prostituées jusqu’au XIXe siècle, est devenue la rue du Pélican. Ce qui n’est pas exactement la même chose. En Angleterre, les nombreuses Gropecunt Lane, dont le nom viendrait de « grope » (tâter) et de « cunt » (con), et qui étaient elles aussi des hauts lieux de la prostitution, ont subi un sort comparable. Pour la plupart, leur nom a été modifié en un Grape Lane nettement moins évocateur. Quoi que…

Rue des Trois-Cocus

Des toponymes de cet acabit, le Bruxelles de jadis n’en manquait pas non plus. Il suffit de penser à la défunte rue de la Putterie, que les Bruxellois appelaient de Putterâ, et qui fut longtemps le cœur du pittoresque quartier du même nom, avant qu’il ne soit démoli à l’occasion des travaux de la jonction Nord-Midi. Le secteur était réputé depuis le Moyen Âge pour ses cabarets et ses filles de joie. Et ce sont probablement elles qui donnèrent leur nom à cette rue, bien que toutes les versions ne convergent pas, si on ose dire, sur ce point. Putterie est aussi le nom actuel d’une artère bruxelloise qui n’a cependant rien à voir avec la rue d’origine. La rue des Trois-Cocus, aujourd’hui Petite rue du Musée, devait pour sa part son truculent patronyme au fait qu’elle ne comptait à l’origine que trois maisons ! Mais la rumeur populaire lui prêta longtemps une réputation sulfureuse, propre à fabriquer des époux et des épouses trompés. La multiplication des maisons aidant, on finit par l’appeler Rue des Cocus tout court ! Enfin, il ne faudrait pas oublier dans ce petit inventaire des toponymes égrillards de la capitale, la place des Trois pucelles, qui était autrefois ornée d’une fontaine représentant trois jolies jeunes filles, à la poitrine nue et on suppose vierges. De l’eau coulait même de leurs tétons, à la manière du Manneken-Pis. On se demande par contre ce qui pouvait bien se déverser dans la ruelle dite de l’Achter-gat dont le nom, synonyme de « Trou-de-derrière », choquait plus d’un bourgeois au XIXe siècle !

Sources :
Bruxelles englouti : le quartier de la Putterie, sur http://rixke.tassignon.be/spip.php?article1517
Éric Meuwissen, Brabant wallon, terre graveleuse : toponymes grivois, sur http://archives.lesoir.be/
From Squaw Tit to Whorehouse Meadow, sur http://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/F/bo3680293.html
Gropecunt Lane, sur https://fr.wikipedia.org
http://henrysuter.ch/glossaires/toponymes.html
http://tunneldesamoureux.skynetblogs.be/tag/puvipusot
http://www.ebru.be/
http://www.trekmag.com/actu-guide-les-cent-plus-betes-topo-noms-lieux-rigolos
https://lecomptoirdetitam.wordpress.com/tag/toponymie/
Le livre : Les cent plus bêtes, Éditions Glénat, sur www.jipet.net
Le promeneur dans Bruxelles et ses environs. Ad. Wahlen, 1839. Sur https://books.google.be/
Sex (rocher) sur https://fr.wikipedia.org
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