Petite histoire de la sexologie

Petite histoire de la sexologie

Histoire de la sexologie
Joseph Apoux

Chaque époque, chaque civilisation, a tenté d’apporter ses réponses au grand mystère de la sexualité et de la fertilité, non sans y ajouter une bonne dose de morale au passage. Découvrez les petites et grandes surprises que nous réserve l’histoire de la sexologie.

Il faut pratiquement attendre Hippocrate pour que quelqu’un se penche sérieusement sur la sexualité. Le père de la médecine est en tout cas le premier à classifier les « maladies des femmes » et a tenter d’interpréter la fertilité humaine. Un peu plus tard, au Ie siècle avant J-C, Ovide publie « L’art d’aimer », qui est plus une initiation à l’art de l’amour et de la séduction qu’un manuel d’éducation sexuelle. Bref, la sexologie est encore dans les limbes. Et avec l’avènement du christianisme, elle va le rester longtemps.

387-400

Les choses se gâtent notamment avec les textes de Saint-Augustin, qui vont servir de base à la doctrine chrétienne sur la sexualité et le couple. De la date des notions comme l’abstinence, le devoir conjugal, le tabou sur les règles, et autres joyeusetés de ce genre. Le sexe pour le sexe devient un péché gravissime et seul est toléré celui qui a pour but la procréation. Une chape de plomb tombe sur la vie sexuelle des chrétiens pour les siècles à venir. Ce qui n’empêche pas l’érotisme de s’épanouir ailleurs, dans la civilisation musulmane notamment.

1330

Nombre de savants du Moyen Âge estiment que le nouveau-né est conçu par l’émission de deux semences, l’une masculine et l’autre féminine. D’où l’idée générale admise du bout des lèvres par l’Église : pas de plaisir partagé, pas de procréation ! Le réputé médecin anglais Jean de Gaddesden distille quelques excellents conseils sexologiques : « L’homme doit exciter sa femme et l’amener au coït en lui parlant, en l’embrassant, en l’étreignant, en pressant ses seins, en caressant son pubis et son périnée, en prenant toute la vulve dans sa main et en frappant ses fesses (sic), afin que la femme désire l’acte vénérien et que les spermes soient émis ensemble » !

1495

Entrée à Naples des troupes françaises où elles sont massivement contaminées par la syphilis, inaugurant ainsi une épidémie qui se développera sur toute la planète.

1559

Disciple de Vésale et enseignant la chirurgie à l’Université de Padoue, Matteo Realdo Colombo publie un ouvrage dans lequel il décrit le siège du plaisir féminin (sedes voluptationis mulierum). Il est officiellement le premier à nommer scientifiquement le clitoris. Une querelle l’oppose cependant à Gabriele Falloppio, lui aussi élève de Vésale et qui donnera indirectement son nom aux trompes de Fallope. En 1561, ce dernier revendique la paternité de cette découverte. En vérité, le clitoris, et son rôle, était vraisemblablement connu des savants de l’antiquité.

1758

Parution du premier ouvrage médical sur la sexualité, un traité sur l’onanisme et ses « dangers », rédigé par un médecin de réputation européenne, Samuel Auguste Tissot. Selon lui, la masturbation était à l’origine de diverses maladies, telle la tuberculose, les troubles de la vision ou de l’appareil digestif et l’impuissance. Ses idées perdureront pendant plus d’un siècle.

1886

Le psychiatre Richard von Krafft-Ebing compile toutes les conduites sexuelles « perverses », dans lesquelles il voit une forme de dégénérescence mentale, ce qui paradoxalement intègre les différentes manières d’aimer dans la normalité. On lui doit l’invention des termes sadisme et masochisme. Son livre aura une influence considérable. Ses idées se développent en parallèle à celles de Freud, qui fait de la libido et du « principe de plaisir » le moteur principal de toutes nos actions. Une théorie qui provoque à l’époque un véritable tollé.

1907

Le terme sexologie voit le jour et l’étude véritablement scientifique de la sexualité prend son essor. Le premier Congrès International de sexologie est organisé, en 1921, à Berlin.

1926

Parution du livre « Le mariage parfait » du gynécologue néerlandais Theodoor Van de Velde, le premier d’une longue série de manuels de conseils pratiques destinés aux couples. Son auteur réhabilite la sexualité et l’orgasme, tout particulièrement celui de la femme, dans le mariage ! Vingt-cinq pages y sont consacrées aux diverses positions. Bien que placé dans la liste des ouvrages interdits par l’Église catholique, son succès sera immédiat et phénoménal. Dans certains pays, il connaîtra jusqu’à quarante-deux éditions !

1928

Invention du stérilet par le gynécologue Ernst Grafenberg, plus connu de nos jours pour sa découverte du fameux point G !

1948

Année de parution du fameux rapport Kinsey. Son enquête gigantesque (plusieurs milliers de participants) aura un retentissement mondial, mais déclenchera aussi un énorme scandale. Et pour cause : masturbation, rapports sexuels préconjugaux et expériences homosexuelles y sont décrits comme très fréquents dans la population générale. Son enquête préfigure l’ère de l’évaluation mathématique des comportements sexuels. Certains de ses successeurs sont aussi célèbres, voire plus. C’est le cas de William H. Masters et Virginia E. Johnson, qui ont une idée de génie : étudier et mesurer l’excitation sexuelle en observant directement des centaines de couples en train de faire l’amour ! Personne n’avait encore osé. Avec eux la sexologie devient aussi curative.

1960

Commercialisation de la pilule contraceptive. Débuts de la libération sexuelle. Apparition de la pornographie de masse, développement des plannings familiaux.

1981

L’épidémie de Sida fait ses premiers ravages. La sexualité change en partie de visage, elle devient risquée.

1998

Mise sur le marché du Viagra, le premier d’une longue série de médicaments destinés à faciliter les érections défaillantes. Développement du cybersexe.

Aujourd’hui

La liberté sexuelle semble acquise, mais l’est-elle vraiment ? Ce n’est pas parce qu’on parle de vibro ou de point G au petit dèj, qu’on est plus évolué sexuellement. Aux tabous des siècles précédents en ont peut-être succédé d’autres : culte de la performance, obligation de jouir, etc. A quand une nouvelle révolution amoureuse ?

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