Abstinence sur ordonnance
Les médicaments ne sont pas toujours sans effet sur l’activité sexuelle. Certains, très rares, ont tendance à la booster ou l’améliorer. D’autres, plus nombreux, ont plutôt l’effet contraire. Si l’exemple de la pilule est le plus connu, il y en a bien d’autres. Un cas de dysfonction sexuelle sur cinq serait même attribuable aux médicaments !
Le monde est parfois mal fait. Prenez le cas de la dépression et de son traitement. Déprimés, la plupart des gens ne pensent guère à la bagatelle. Selon certaines études, et bien qu’on ne sache pas très bien pourquoi, 40 à 50% des dépressifs souffriraient ainsi de manque de désir, de troubles de l’érection ou de difficultés à atteindre l’orgasme. Malheureusement, ce n’est pas parce qu’ils se soignent que cela va mieux ! De nombreux antidépresseurs* semblent en effet inhiber la libido, bien qu’il soit parfois assez difficile de faire la part des choses entre les conséquences de la dépression et les effets iatrogènes des médicaments. Une chose est sûre, les antidépresseurs n’ont pas vraiment de vertus aphrodisiaques ! Une étude a même montré que seuls 1% des patients voient leur intérêt pour la sexualité augmenter pendant leur traitement. Dommage, surtout lorsque l’on sait que le sexe est excellent pour le moral. Mais quelles sont les conséquences des antidépresseurs sur la sexualité ? Assez diverses. Certains diminuent l’envie de faire l’amour, d’autres inhibent l’excitation ou entraînent des difficultés à atteindre l’orgasme. D’autres encore provoquent une sécheresse vaginale. Tous ces effets secondaires ne sont cependant pas systématiques. Ils ne peuvent en tout cas jamais être une raison pour interrompre ou modifier son traitement sans avis médical. Le mieux est d’en parler à votre médecin, qui vous aidera à trouver une solution appropriée. Certains antidépresseurs retardent également l’éjaculation, parfois de manière importante. Un effet a priori indésirable qui a pourtant attiré l’attention de certaines firmes pharmaceutiques dans la dure lutte contre l’éjaculation précoce. Une molécule, la dapoxetine, dérivée de cette classe d’antidépresseurs, a même été mise au point, avec une efficacité assez relative cependant. Lors d’une étude, la durée entre pénétration et éjaculation est effectivement passée d’une demi-minute à environ trois minutes avec cette molécule. Assez pour assurer le plaisir de monsieur, mais en général largement insuffisant pour faire grimper madame au septième ciel. Pas d’automédication là non plus.
Sexe : est-ce que la schizo freine ?
Les personnes atteintes de schizophrénie et d’autres maladies psychotiques ne sont pas mieux loties. Ce serait même plutôt le contraire. Non seulement leurs troubles s’accompagnent-ils souvent de dysfonctions sexuelles importantes, mais les traitements antipsychotiques qu’elles sont en général tenues de prendre peuvent à leur tour entraîner diverses pannes et problèmes sexuels d’autant plus difficiles à vivre qu’ils peuvent exacerber les symptômes psychotiques. À tel point que ce type d’ef…fesses secondaires constitue souvent une des raisons qui conduit à l’arrêt du traitement. Un choix qui, lorsqu’il n’est pas pris en concertation avec un médecin, peut-être lourd de conséquences. Comme dans le cas de la dépression, l’effet spécifique des psychotropes sur la sexualité est difficile à distinguer de ceux provoqués par la maladie elle-même et son évolution. Mais selon certaines estimations, les antipsychotiques entraîneraient tout de même des effets indésirables sur la sexualité chez 30 à 60% des personnes prenant ces médicaments !
Hypertension = hypo-libido ?
Au rayon des médicaments qui freinent les envies coquines, notons principalement encore certains hypotenseurs. Fréquemment prescrits, leurs effets varient selon le sexe. Chez les messieurs, ils méritent pour le coup assez bien leur nom. Ils peuvent en effet contrarier la qualité de l’érection. Un peu d’ailleurs comme certains hypocholestérolémiants et diurétiques. Chez madame, les médicaments hypotenseurs réduisent l’afflux de sang dans le clitoris et les organes génitaux, ce qui peut rendre l’orgasme assez difficile à atteindre. Parmi ces hypotenseurs, ce sont les bêta-bloquants et les diurétiques qui sont les plus souvent incriminés, les antagonistes du calcium et les inhibiteurs du système rénine-angiotensine ayant pour leur part un effet neutre, voire bénéfique. Quant au mécanisme, il n’est pas encore très clair, mais la baisse de la pression artérielle apparaît comme un élément important. La plupart des études montrent en tout cas que les troubles de la sexualité sont plus fréquents chez les hypertendus que chez les normotendus. Là encore on ne parvient pas toujours à savoir s’il s’agit d’un problème spécifique à l’hypertension ou si ces troubles sont favorisés par les médicaments antihypertenseurs.
Orgasme sous blister
Si antidépresseurs et libido ne font généralement pas bon ménage, il arrive que ce genre de médicament puisse déboucher sur un phénomène étonnant bien qu’encore mystérieux : des orgasmes spontanés, en principe donc, hors de tout contexte sexuel ! Les cas sont rares, mais ils existent. Tout récemment, des sexologues et neurologues taïwanais se sont amusés à compiler les cas d’orgasmes spontanés d’origine médicamenteuse ou supposée telle. Au total, vingt-cinq patients, dix-huit femmes et sept hommes, ont été identifiés. Plus de la moitié d’entre eux avaient moins de 50 ans lors de « l’événement ». La plupart étaient aussi soignés pour dépression, et un nombre limité d’antidépresseurs et d’antipsychotiques était en cause dans 92,5 % des cas. Parmi ces patients sous traitement, cinq ont pris leur pied de manière inopinée alors qu’ils étaient simplement en train de marcher, de faire de l’exercice, de bailler ou de dormir. Un autre, un avocat de 37 ans traité par bupropion, a pour sa part eu à deux reprises la surprise de grimper au 7e ciel et d’éjaculer deux fois dans la foulée en faisant l’amour, chose qui ne lui était jamais arrivée auparavant. Une femme de 74 ans, traitée pour dépression, a été jusqu’à éprouver un orgasme entre 5 et 45 fois par jour, avec un intervalle de 15 à 30 minutes. Une autre patiente de 35 ans a pour sa part ressenti un pied monumental d’une durée de trois heures, six semaines après le début de son nouveau traitement. Elle était en train de faire ses courses !
Cantharide et bromure
Cela fait des millénaires que l’homme cherche à stimuler ses performances sexuelles. Durant longtemps, on a ainsi récolté la fameuse « mouche espagnole », un petit coléoptère mieux connu sous le nom de cantharide ! Séché, broyé puis ingéré, l’insecte était censé stimuler l’érection. En réalité, l’érection ainsi provoquée était pathologique et pouvait conduire à des conséquences très désagréables pour le cobaye en mal de sensations érotiques (vomissements, saignements, douleurs abdominales) voire à la mort ! Bien connu naguère pour ses propriétés sédatives et anti-épileptiques, mais non dénué de toxicité à doses relativement faibles, le bromure de potassium passe lui depuis longtemps pour un anaphrodisiaque puissant. À tort. La légende veut même qu’on en ait ajouté dans les rations des soldats français lors des derniers conflits mondiaux. La même rumeur a très longtemps couru aux USA à propos du salpêtre (nitrate de potassium).
* Principalement les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa) et les antidépresseurs tricycliques.