Pas de danse et entrechattes

Pas de danse et entrechattes

 

Danse et érotisme

La chorégraphie est par essence un art charnel. Mais du ballet classique en passant par le slow ou la valse, c’est toute la danse qui est une invitation à la sensualité et même au sexe. Baila baila !

« Le tango, je me demande pourquoi ça se danse debout ? », s’interrogeait Sacha Guitry, toujours aussi égrillard et perspicace. C’est que du sexe, il y en a beaucoup dans les danses que l’on pratique aujourd’hui sur les dance floor et naguère dans les guinguettes. Si on danse, n’est-ce pas aussi, et peut-être même avant tout, pour pratiquer un autre genre de duo un peu plus tard ? C’est particulièrement vrai des pas de deux où le contact rapproché est socialement admis, même entre inconnus, comme avec le tango, le rock, le slow, sans parler du zouk collé-serré, qui mime quant à lui carrément l’acte sexuel. C’est aussi le cas de la valse, qui à ses débuts fit d’ailleurs scandale et servira de première expérience érotique à bien des couples du XIXe siècle. Certains historiens estiment que c’est même à travers la valse que s’est constituée une certaine idée occidentale de la relation amoureuse et du couple ! C’est dire. Mais celle-ci ne sera pas la seule à subir les foudres des rabat-joie ni à révolutionner les mœurs. Il en sera de même pour le tango, la danse du diable, d’ailleurs née dans les bordels de Buenos Aires, qu’un archevêque de Paris condamnera un jour pour cause de nature lascive et offensante pour la morale. On nous refera aussi le coup avec le rock ‘n roll qui avant d’être une musique fut d’abord un style de danse à la gestuelle on ne peut plus explicite mais très décrié. Le surnom d’Elvis Presley n’était pas pour rien « Elvis the pelvis » !

Le fantasme de la danseuse

Danse et prostitution , foyzer, danseuse
L’entr’acte. Jean-Louis Forain, 1890.

Il y a un autre aspect où la danse s’avère indissociable de l’érotisme, c’est le personnage de la danseuse. Danseuse qui sera longtemps assimilée aux femmes de petite vertu. Certaines y mettront un peu du leur, il faut bien l’avouer, comme la Guinard, une des plus célèbres danseuses de la moitié du XVIIIe siècle, qui eut plus d’un riche protecteur à son palmarès. Mais c’est surtout à partir du XIXe siècle, et au sein d’une institution aussi prestigieuse que l’Opéra de Paris, que se confondent les notions de danseuse et de courtisane. À l’époque, la plupart des petits rats sont issus des couches les plus pauvres de la population. Nombreuses sont celles qui recherchent les faveurs des riches balletomanes. Beaucoup y sont même poussées par leurs propres mères ! La pratique va finir par bénéficier à l’institution elle-même. En 1831, Louis Véron, premier administrateur de l’Opéra, autorise les amateurs de ballets à pénétrer dans le foyer lors des répétitions de ces demoiselles. Certains se ruinent pour leur belle danseuse, d’autres y viennent un peu comme au marché, pour faire leur choix. Une habitude qui durera de nombreuses années. À des danseuses lui réclamant une augmentation, un directeur de l’Opéra de Paris d’avant-guerre rétorquera encore : « Mais mesdemoiselles, vous avez le foyer ! ».

Histoire de tutu !

Même le véritable art saltatoire, comme disent les spécialistes, n’est pas du tout dénué de charge érotique. Pour certains amateurs, la gestuelle des danseuses n’est pas sans évoquer celle de l’orgasme. Sans aller jusque-là, difficile de rester de marbre devant ces images d’hommes et de femmes, jeunes, minces et beaux, devant les mouvements souvent ambigus qu’ils exécutent, ou devant ces rondeurs et ces bosses suggestives à peine cachées par un léger vêtement, quand il y en a un ! Ce n’est sans doute pas un hasard si, de tous les arts du spectacle, la danse est celui qui laisse le plus de place au corps nu. C’est vrai jusqu’au mot tutu, dont l’origine est probablement une déformation de l’expression « cucu », elle-même synonyme de petit cul !

Danse érotique
Turlututu, joli tutu !

Chorégraphies érotiques

Certains chorégraphes ont su tirer parti de la puissance érotique de la danse. En 2001, dans sa mise en scène du Sacre du Printemps, Angelin Preljocaj fait retirer leurs culottes à ses danseuses. Pas de chance, elles en portent une deuxième en dessous ! Dans En Chasse par contre, de l’égérie du bûto Carlotta Ikeda, les cinq danseuses ne laissent rien ou presque ignorer de leur intimité. Il paraît que les spectateurs en redemandent toujours.

Source :

Philippe Verrièle. La Muse de mauvaise réputation. Danse et érotisme. Ed. La Musardine. 15 €.

Extrait de mon livre Les Érotiques de l’histoire, éditions Jourdan. En vente en librairie, ainsi que sur Amazon, Club, Chapitre

 

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