Sexothérapeutes célestes

Sexothérapeutes célestes

saints érotiques
Jean Mansel – Gallica/BNF

Avant le gynécologue, avant le sexologue, avant les sites de rencontres, il y avait les saints… du calendrier ! Découvrez les rites et les prières pas toujours très sages ni désintéressées de nos ancêtres en quête d’amour, de fertilité et d’accouchements sans douleur. Et vive les saints !

On imagine mal la place qu’occupaient autrefois les saints patrons dans la vie quotidienne de nos ancêtres. C’est bien simple, il y avait pratiquement un saint pour chaque chose et une chose pour chaque saint : des semis, aux récoltes en passant par la météo, les jours chômés, les objets perdus – chers à saint Antoine de Padoue – et les maux de tous genres. Dans une existence pas franchement très rose, dominée par la survie et l’angoisse du quotidien, la maladie était d’ailleurs vue comme une épreuve envoyée par Dieu. La piété populaire prêtait donc à de nombreux saints la faculté de guérir toutes sortes de maux, ou d’intercéder pour leur guérison auprès du créateur. La plupart avaient leurs petites spécialités médicales, voire vétérinaires, un peu à la manière d’une polyclinique céleste. Saint Cloud était ainsi invoqué contre les furoncles et les verrues, sainte Apolline contre les rages de dents et sainte Godelieve, qui mourut étranglée, pour guérir les angines !

Accouchement sous auréole

Parmi ces intercesseurs divins, certains possédaient bien évidemment des compétences en obstétrique ou dans le domaine de la fertilité masculine et féminine. On les invoquait comme on se rend aujourd’hui chez le gynécologue ! Ces médiateurs célestes faisaient l’objet d’une dévotion d’autant plus fervente que les maux qu’ils étaient réputés soigner étaient redoutables et redoutés. C’est particulièrement vrai pour les complications liées à la grossesse : durant des siècles, nombre d’accouchements se termineront de manière dramatique, tant pour la mère que pour l’enfant. Rien d’étonnant donc à ce que le culte consacré à sainte Marguerite, protectrice des femmes enceintes, ait été parmi les plus populaires, aussi bien en nos contrées qu’ailleurs. Les futures mamans allaient la prier notamment à Amougies (Mont-de-l’Enclus), et ce depuis le XVe siècle au moins. La Sainte passait pour favoriser une délivrance et une maternité heureuse, ainsi que des vêlages réussis ! Un grand pèlerinage y avait au demeurant lieu chaque année en son honneur. Mais le culte de sainte Marguerite était également en vigueur dans toute l’Ardenne, ainsi qu’à Lichtervelde, Baardegem, Thines, Tihange, ou encore Liège ou Bouge. Dans ce dernier village, une partie de la paroisse portait même son nom. Elle y faisait là aussi l’objet, tous les 20 juillet, d’un pèlerinage fort fréquenté. Le curé distribuait à cette occasion des liens bénits, les fameux « cordons de sainte Marguerite », dont les femmes devaient ensuite ceindre leurs reins pour faciliter le travail de l’accouchement.

Strip-tease nocturne

Avant de penser à enfanter, il fallait évidemment tomber enceinte. Et les choses n’allaient parfois pas aussi vite que souhaité. Qu’à cela ne tienne : on recourrait là encore aux interventions venues d’en haut. Saint Gilles était par exemple invoqué un peu partout en Belgique dans la stérilité des couples. À Spa, au lieu-dit la Sauvenière, c’est saint Remacle qui était mis à contribution. Ou plutôt la fontaine qu’il aurait fait jaillir, il y a longtemps, et où subsiste toujours, selon la légende, l’empreinte de son pas. Il suffisait aux femmes de boire de cette eau et de glisser un pied dans cette marque pour concevoir un enfant, voire des jumeaux quand elles y mettaient les deux pieds ! Au XVIIe siècle, à Thynes (Dinant), saint Ghislain faisait pour sa part l’objet d’une pratique nettement plus particulière, elle aussi liée à la fertilité. Les femmes en mal d’enfant terminaient leurs dévotions en soulevant leurs jupons et en exhibant leur ventre au saint. Lequel pour le coup ne devait certainement pas rester de bois. Faut-il rappeler qu’à l’époque les femmes ne portaient pas de culotte ! Pour des raisons évidentes, ce petit cérémonial intime n’avait d’ailleurs lieu qu’à la nuit venue, et on suppose, en l’absence du bedeau et de monsieur le curé.

Saints d’amour

Il arrivait également que l’on demande à certains saints patrons de jouer les entremetteurs célestes pour le compte d’une rosière voyant arriver Sainte-Catherine avec un peu d’appréhension. Les voies de Dieu ont beau être impénétrables, un petit coup de pouce d’en haut n’est pas à dédaigner. Les jeunes filles de nos contrées allaient par exemple à Harre (Manhay) ou à Lendele (Flandre-Occidentale), pour y prier Saint Antoine, afin qu’il leur déniche un compagnon pour la vie. Lequel saint se voyait pour l’occasion transformé en une sorte de cupidon chrétien ! Elles invoquaient également Notre-Dame de la Forêt à Taverneux, Sainte Catherine à Houffalize ou Saint Thibaut à Marcourt. Dans ce dernier village, il suffisait aux jeunes filles de faire trois fois le tour de la chapelle sans parler pour trouver un promis dans l’année ! C’est du moins ce que disait la croyance populaire. À Gaasbeek, le pèlerinage dédié chaque année à sainte Gertrude devait se montrer un peu plus efficace, vu les conditions dans lesquelles il se déroulait. Outre leurs dévotions, les jeunes filles de la région désireuses de se marier devaient en effet contourner l’édifice dédié à la Sainte, et ceci de préférence en compagnie de leur galant. Lequel damoiseau devait ensuite retirer une des jarretières de la belle et l’accrocher au judas de la chapelle ! À défaut d’amoureux, la jeune fille était tenue d’effectuer le geste elle-même. Mais dans un cas comme dans l’autre, la manoeuvre était supposée infaillible et l’on veut bien croire pour une fois la sagesse populaire !

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